Après avoir interviewé notre directeur d’agence Hugh Dutton, la réalisatrice-architecte Morena Campani, le designer et créateur d’architectures Jacques Famery, et l’urbaniste 2.0 Concetta Sangrigoli, aujourd’hui c’est un jeune architecte, Léopold Lambert, qui répond à nos questions sur l’architecture, l’ingénierie, l’innovation, le futur.
Vous pouvez voir ses travaux ici, et lire le blog boiteaoutils où il écrit avec Martial Marquet, un des blog d’architecture français (bien que rédige en anglais) les plus intéressants en France.
CI-DESSOUS : Workshop Peter Macapia / ESA 2006<br />Léopold Lambert, Martial Marquet, Charles-Edmond Henry, Antoine Sarrat
Vu que l’entretien a été réalisé par mail, il n’y aura pas de vidéo. Je vais par contre l’accompagner avec des images que ces textes de Léopold m’ont inspiré.
A) Quel est, dans ta vision, le rapport entre l’architecture et l’ingénierie?
Afin de répondre a cette question, il convient de définir ce que l’on entend par ingénierie. Si je définis ici l’ingénierie comme la discipline qui tente à rationaliser, diagrammatiser, optimiser l’espace alors, dans ma vision, l’architecture se doit de tenter d’évoluer a l’opposé de cette discipline.
Diagramme des forces pour un skylight / études: HDA | Hugh Dutton Associés
Bien sûr, les architectes auront sans doute toujours à faire des concessions a la technocratie, néanmoins, lui résister –et sans doute lui résister avec son propre langage, ses propres symboles- me semble être une attitude libératrice.
Norman Foster Telecommunications Tower, Barcelona / credits photo: UrbanDigger.com
Une de mes professeurs, Catherine Ingraham, la semaine dernière, évoquait l’hypothèse selon laquelle les architectes anglais avaient une formation approfondie en ingénierie dont les raisons dataient de la colonisation. En effet, elle avait l’intuition qu’une telle association de l’architecture et de l’ingénierie avait pour but de matérialiser et organiser de manière optimale la présence anglaise en terres colonisée. Associer de la sorte Norman Foster et l’aménagement du Bombay colonial est certes une chose audacieuse mais quand bien même cette hypothèse se révélerait fausse pour une raison ou pour une autre, je reste persuadé que l’architecture et l’ingénierie lorsqu’associées de trop près mènent inexorablement a un espace de contrôle. Bien évidemment, je parle ici de disciplines dans leurs définitions, il ne s’agit en aucun cas de faire l’apologie des architectes et de conspuer les ingénieurs. D’ailleurs, le mot important ici, est la notion de contrôle. J’aime ce mot car il n’est pas connoté et peut donc ainsi développer une ambigüité intéressante. Il ne s’agit pas de refuser le contrôle et l’ingénierie, ne serait-ce que pour des problèmes évidents de physique ; ce qui selon moi convient de faire, est de résister a un contrôle transcendantal absolu que celui-ci provienne de l’architecte ou du système institutionnel environnant.
B) Nous sommes dans un moment de grands changements: comment imagines-tu la figure de l’architecte dans le futur?
Je me méfie un peu de cette attitude qui consiste à considérer la période présente comme spéciale. Je pense qu’il faut œuvrer à réunir toutes les circonstances pour qu’elle le devienne mais je n’ai pas le sentiment que cela soit le cas en ce moment. Ce que je vois caché derrière cette question est la question de l’architecture « verte » mais là encore, je me méfie de cette pensée unique qui agit comme une nouvelle morale a tendance franchement religieuse que le capitalisme n’a pas eu trop de mal a s’approprier.
purple architecture, the anti-green /// aka, royal purple. super exclusive, super bling’d, super expensive, super wasteful… credits: brandon shigeta
C) Aujourd’hui, les technologies numériques multiplient nos possibilités ainsi que les outils de conception: dans ta profession, quel est ton rapport à cette complexité qui semble caractériser le monde contemporain?
Je viens d’écrire un court papier pour le journal de Pratt qui raconte comment le design paramétrique nous permet d’accéder physiquement à la complexité spatiale décrite dans les nouvelles de Jorge Luis Borges.
La casa de Asterión (J.L. Borges) / credits: IndiGéstion
Auparavant, le labyrinthe était décrit en deux dimensions et était ainsi contrôlé de manière transcendantale par son auteur. Borges, en introduisant le hasard et l’infini comme éléments générateurs d’un espace a inventé des architectures incontrôlables au sein desquelles, chacun peut se perdre.
Limite Circulaire I (M.C. Escher) (pavage {6,4}) / Credits image: Nouméa
Ces espaces littéraires nous pouvons désormais les générer à l’aide de la computation. En termes scientifiques, l’architecture appartient plutôt au monde la physique. L’ordinateur lui permet d’entrer dans le monde des mathématiques, et ainsi, en ce qui concerne Borges, d’envisager les notions d’aléatoire et d’infini.
ALOBLUMS / theverymany
Faire dépendre une architecture d’une équation est cependant quelque chose de vertigineux et c’est aussi pourquoi trop d’architectes ou d’étudiants en architecture se laisse aller à une idolâtrie de l’outil, ce que l’on pourrait appeler une ergaleiophilie (ergaleio en grec désigne l’instrument) aigue ! Il s’agit donc de se servir de cet outil à des fins qui lui sont extérieures.
Second Life, Amphibian architecture, south shore / credits: Alpha Auer
D) Est-ce que tu aimes les architectes? : )
Pas tous heureusement!
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