La première partie d’une contribution de Aurélie de Boissieu, auteur invité sur complexitys.com, à propos des « Digital Humanities ».
Photo: DH2010 Digital humanities 2010 – London – King’s College par OpenEdition | source: flickr.com | CC BY-NC-ND 2.0
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A force de s’intéresser aux impacts du numérique sur les pratiques des architectes, on finit un jour par interroger les impacts du numérique sur sa propre pratique de chercheur. Cette interrogation est l’objet même des « Digital Humanities » à propos des sciences humaines. Cet article propose d’investir ce champ, en vue d’éclairer les influences des usages du web et du numérique sur les pratiques de la recherche scientifique.
Comment situer les impacts d’Internet et du numérique sur les pratiques de la recherche ?
Dans certains cas, le numérique participe de la définition de nouveaux objets scientifiques (ce sur quoi porte la recherche, ce que la recherche vise à éclairer). Le sociologue Antonio Casilli s’intéresse, par exemple, à l’image du corps et aux sociabilités sur les réseaux sociaux en ligne (Casili 2010). L’anthropologue Gabriella Coleman travaille quant à elle, sur les pratiques numériques des Anonymous (Coleman 2011).
Dans d’autres cas, le numérique participe de la définition de nouveaux corpus d’étude (les données analysées). Par exemple certains chercheurs étudient des documents anciens qui ne sont consultables que numérisés en raison de leur fragilité. La base de données Gallica de la BNF par exemple est une source de données numérisées peuvant faire l’objet d’études diverses. Les données produites ou récoltées sur internet (statistiques d’usages de réseaux sociaux, des interactions, des contenus, etc) peuvent également constituer des corpus de données très riches.
Dans d’autres cas encore, le numérique intervient au niveau des pratiques de la recherche mêmes avec l’introduction des outils informatiques. Cet investissement des outils numériques au sein des pratiques de recherche s’observe au niveau des outils de veille informationnelle (les readers), des outils bibliographiques (Zotero , EndNotes), en passant par des outils de traitement des données.
Grâce aux outils numériques, les méthodes d’analyse de données se transforment. Le séminaire « socio-informatique et argumentation » de l’EHESS s’intéresse par exemple aux traitements informatisés de grands ensembles de données. Les méthodes de recherche visant la modélisation de phénomènes par leurs simulations (comme en sciences dites dures) sont devenues fortement numérisées. La représentation numérique est aujourd’hui utilisée pour simuler des processus chimiques, biologiques, etc. Le travail de Frank Varenne sur l’épistémologie des modèles et la simulation informatique dans les sciences contemporaines [PDF] en donne un aperçu intéressant [1].
Enfin, la diffusion de la recherche se voit aujourd’hui facilité grâce au recours aux techniques du web. Cet impact du numérique sur les pratiques de la recherche scientifique est celui que nous développons dans cet article.
Photo: « DSP 55: Mech Eye 2007-07-11 » par Vernhart | source: flickr.com | CC BY-NC-SA 2.0
La diffusion numérique de la recherche
Les canaux de diffusion se multiplient : Archives Ouvertes (comme HAL-SHAS pour les sciences sociales), revues électroniques, blogging scientifique… Les formats, les temporalités mais aussi les contenus et le rapport aux éditeurs se transforment [2].
Diffuser, valoriser, soumettre un travail à la critique et/ou à la conversation scientifique ou encore, permettre le travail collectif sont autant d’activités de la recherche facilitées ou modifiées grâce à la diffusion numérique.
« Le blogging scientifique » s’offre en particulier comme un mode novateur de diffusion de la recherche. Depuis quelques temps, des chercheurs s’investissent dans l’écriture de blogs professionnels. Sur la plateforme hypotheses.org, par exemple, fondée en 2007 par le CLEO (Centre pour L’Edition Electronique Ouvertehttp), plus de 250 blogs scientifiques, ou « carnets de recherches », sont développés aujourd’hui.
Ces « carnets de recherche » permettent de communiquer la science en train de se faire.
Bien sûr, « communiquer la science en train de se faire » est également l’objectif des circuits traditionnels de publication (revues peer reviewing, colloques, etc.) mais ici le format du « billet » de blog (court et écrit dans un style plus journalistique qu’académique) entraîne la publication de contenus différents : des recherches en cours de constitution, des fragments de recherche, des éléments de corpus, etc.
Différents « carnetiers » (ou bloggeurs) mettent d’ailleurs en évidence la liberté de publication que permet ce genre de support : la ligne éditoriale de son blog est choisie librement et le format des articles semble finalement très ouvert (fréquence, contenu, longueur, ton,…).
Les blogs de recherche peuvent être personnels ou collectifs. Personnels, ils permettent à un chercheur de maîtriser la présence de sa recherche sur Internet ; son « ego référencement » pour reprendre les termes de Marin Dacos dans son article « Comment mieux faire connaître mes recherches ». Quand ils sont collectifs, les blogs permettent de rassembler plusieurs voix autour de problématiques communes.
On trouve également sur hypotheses.org des blogs plus spécifiques, comme ceux de bibliothèques visant à communiquer autour de fonds documentaires, ceux de séminaires, ceux de revues ou encore ceux de projets ANR, d’instituts de recherche ou de veilles informationnelles.
Mais, au travers de la diffusion, que transforme le numérique dans la recherche ? Quels en sont les écueils ?
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Notes :
[1] [F. Varenne a présenté son travail à l’ENSA Malaquais lors de la conférence « Computational architecture and Politics » en novembre dernier]
[2] [A ce propos, il peut être consulté le Compte Rendu de la séance « Visibilité et partage de la recherche : Comment penser la présence de sa recherche sur internet ? » du séminaire doctoral « les Cafés de l’Après Thèse »]
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Références :
CASILI Antonio, TUBARO Paola, 2011. « Why Net Censorship in Times of Political Unrest Results in More Violent Uprisings: A Social Simulation Experiment on the UK Riots » in Social Science Research Network consultable sur : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1909467 (consulté le 27-04-2012)
CASILI Antonio, 2010. Les liaisons numériques. Editions du seuil. Paris
COLEMAN Gabriella, Anonymous, 2011. « Du lulz à l’action collective » in owni.fr consultable sur : https://owni.fr/2011/12/12/anonymous-lulz-laction-collective-wikileaks-hackers/ (consulté le 27-04-2012)
DACOS Marin, 2009. « Comment mieux faire connaitre mes recherches » in homo numericus. Consultable sur : https://blog.homo-numericus.net/article10288.html (consulté le 27-04-2012)
« Digital Humanities » émission de Xavier DE LA PORTE « Place de la toile » sur France Inter, avec Jean-Philippe Magué, Marin Dacos, Stéphane Pouyllau et Corinne Welger-Barboza. Podcastable sur https://www.franceculture.fr/emission-place-de-la-toile-digital-humanities-2010-07-02.html (consulté le 27-04-2012)
FAURY Mélodie, 2011. « Comment aborder la question de la responsabilité sociale des scientifiques ?» in L’infusoir ; consultable sur https://infusoir.hypotheses.org/1154 (consulté le 27-04-2012)
MOUNIER Pierre, 2011. « Qu’apportent les digital humanities ? Quelques exemples (1/2)(2/2) » » in Homo numericus. Consultable sur https://homo-numericus.net/spip.php?breve1011 (consulté le 27-04-2012)
Et encore plus d’informations dans la proposition de plan de l’ouvrage Read Write Book 2 du CLEO ici : https://readwritebook.pbworks.com/w/page/50944175/Proposition%20de%20plan
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Ce billet a été écrit par Aurélie de Boissieu, auteur invité sur complexitys.com
Doctorante en Architecture spécialisée sur la Modélisation Paramétrique, Aurélie a déjà publié les articles: Conception architecturale et/ou modélisation paramétrique?,Le numérique en agence d’architecture : Quelles hybridations des pratiques? 1/2 et Le numérique en agence d’architecture : Quelles hybridations des pratiques? 2/2
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[…] La deuxième partie d’une contribution de Aurélie de Boissieu, auteur invité sur complexitys.com, à propos des « Digital Humanities ». Retrouvez la première partie de l’article ici. […]