Au premier abord, le Grand Palais Ephémère ne crée pas de surprise. L’implantation dans l’axe de la Tour Eiffel et le face à face avec l’Ecole militaire semblent évidents. Le plan en T inversé imite celui du Grand Palais tout en épousant parfaitement la surface disponible du champ de Mars. On découvre une structure modulaire composée d’élégants portiques treillis en bois à membrures courbes. Ceux-ci sont judicieusement protégés de la pluie par une membrane ETFE dont la transparence permet au visiteur d’apprécier la structure. Les membrures inférieures soutiennent l’enveloppe isolante, étanche à l’air et acoustique nécessaire aux programmes intérieurs. On salue donc un projet cohérent, pertinent dans son volume et son implantation et bluffant dans sa rapidité de mise en œuvre.
Mais lorsqu’on s’approche, un détail intrigue. Ce qui semblait être des poteaux 100% bois, hormis les pièces de connexions bien sûr, s’avèrent être des profilés acier habillés de placage bois. Puis, on discerne une plaque de bois qui couvre les montants du treillis des portiques. S’agit-il uniquement d’un habillage visant à masquer la présence de boulons ? Si oui, pourquoi ? Et pourquoi ne l’avoir pas posé sur tous les assemblages, notamment ceux en façades qui sont les plus visibles ? Notre première hypothèse est l’esthétisme. On est tenté de croire à une dissimulation des assemblages acier et on imagine que si les contreventements n’en possèdent pas c’est parce que leur jonction géométrique avec les autres poutres se font avec des angles complexes.
En fin de compte, l’explication est toute autre : il s’agit de la protection au feu des assemblages. En effet, bien que plus combustible que d’autres matériaux, le bois a une bonne résistance au feu. Sous l’effet de la chaleur, une couche de carbonisation se forme en surface et protège le cœur de la poutre qui conserve ses propriétés mécaniques. De plus, ce comportement est prévisible et il est donc possible de calculer cette perte de section. Il s’agit alors uniquement d’augmenter les dimensions pour obtenir une stabilité au feu de la durée souhaitée. En revanche, bien qu’incombustible, l’acier sans protection perd très rapidement un pourcentage important de sa résistance mécanique sous l’effet des hautes températures générées durant un incendie. Ainsi, les propriétés mécaniques des pièces métalliques composant les assemblages peuvent être considérablement réduites. De plus, étant donnée l’excellente conductivité thermique de l’acier, celui-ci aura tendance à transmettre la chaleur à l’intérieur de la poutre en bois. On attribue une résistance au feu de base de 15 minutes aux assemblages non protégés. La charpente du Grand Palais Ephémère devant atteindre une stabilité au feu d’une heure et demie, il était nécessaire de protéger les pièces de connexion acier.
Lors d’une visite de leur usine, nous avons eu l’opportunité d’interroger Mathis, l’entreprise qui a fabriqué et posé la charpente, sur l’absence de protection au niveau des connexions des contreventements. Les baies de contreventements étant redondantes, elles n’ont pas toutes besoin d’être protégées, tout simplement.
Sources :
Webinar Grand Palais Ephémère – CNDB & Forum International Bois Construction – https://www.youtube.com/watch?v=Ks46kZ4uQsk&t=3181s
Présentation de Frank Mathis, PDG de Mathis à partir de 53′.