Home InspirationArchitectural Research Conception numérique, un retour à l’ornement ?

Conception numérique, un retour à l’ornement ?

by HDA Paris

Photos chantiers

IMAGE
AEM Urban Heating, 2000-2008 | Détail de l’enveloppe
Architecte : Buffi Associés
Client : AEM Torino
Mission Hugh Dutton Associés : Screen Design Consultant
Source image : flickr.com/hdaparis

Un rapide coup d’œil sur les productions des dernières années est suffisant pour constater ce statut particulier donné à la façade. Couleurs, motifs, nul doute que la tendance vient en rupture avec la simplicité de l’époque des modernes. Alors que devons-nous voir dans ces nouvelles pratiques ? Si nous faisons appel à nos connaissances en histoire de l’architecture, habiller les façades peut faire référence à l’ornement. Mais il est évident que les formes actuelles jouent sur un registre différent. Les sculptures et décorations localisées ne sont plus d’actualité, nous assistons plutôt à l’application de motifs répétés à l’infini, un processus qui n’est pas sans rappeler le mapping des logiciels de modélisation…
Un retour à l’ornement ? Non, je préférerai parler d’une remise en question de celui-ci, et donc de son adaptation au monde contemporain. Mais quel lien pouvons-nous tirer entre les nouveaux processus de conception et ce constat formel ?
La façade comme enveloppe, élément fondateur du projet
Comme j’ai pu en parler dans un de mes précédents articles, nous pouvons voir dans l’architecture contemporaine certaines tendances, notamment celle de l’importance donnée à la création d’un milieu. Les grands noms s’y sont adonnées : SANAA, Toyo Ito, Koolhaas… Et nous pouvons voir dans la production de l’agence Hugh Dutton Associés cet intérêt. Pour la passerelle de la Roche sur Yon en collaboration avec Bernard Tschumi, le projet semble avant tout définir un milieu. Il est évident que sa délimitation passe par une séparation entre l’intérieur et l’extérieur, une délimitation qui se résume ici à une enveloppe.
Passerelle de la gare de La Roche sur Yon - carte de voeux - decoupe chimique

IMAGE
Passerelle de La Roche sur Yon, France, 2009 | carte de voeux, decoupe chimique
Le projet résumé en un tube déroulé, l’ouvrage comme surface
Architectes: Bernard Tschumi (BTuA) and Hugh Dutton (HDA)
Ingénieurs: HDA
Source image: flickr.com/hdaparis
MORE INFO

C’est bien ici que nous pouvons déceler une rupture dans la production contemporaine. Alors que l’architecture moderne jouait avec les volumes à base de rencontres et de glissements pour troubler la perception et provoquer des émotions, les productions contemporaines utilisent l’enveloppe. Les critiques n’hésitent pas alors à qualifier cette pratique comme celle d’une architecture de surface (pour reprendre les propos d’Antoine Picon). Et il est évident que de nombreux projets sont avant tout définis par la surface qui les délimite.
Il est alors pertinent de se questionner sur les raisons nbso online casino reviews d’un tel changement. L’architecture est dépendante des technologies qui lui sont associées, qu’elles soient constructives ou relatives à la conception. C’est ici que nous pouvons voir un lien avec cet intérêt pour l’enveloppe. Tout d’abord, les surfaces sont les éléments qui peuvent retranscrire le plus directement les processus de conception actuels, et représentent de magnifiques terrains de jeu pour les variations paramétriques. Mais comme je le disais précédemment, la surface est une enveloppe, dont le rôle structurel est indéniable. La complexité de leur maillage est aussi le résultat de calculs précis permis par l’introduction des technologies numériques dans la conception. Rappelons nous juste le stade de Pékin d’Herzog & De Meuron
Un nouvel ornement ?
L’architecture de surface revient bien évidemment à habiller le bâtiment, si bien qu’Antoine Picon redoute le devenir de l’architecte. Doit-il devenir un grand couturier des ouvrages qui font notre quotidien ? Ce questionnement est compréhensible, et il est évident qu’une telle fonction reviendrait à oublier de nombreux éléments qui composent la profession d’architecte. Mais avant d’avoir peur de ces pratiques, essayons de les comprendre. En effet, jouer sur la surface présente forcément des qualités, sinon aucun projet ne s’inscrirait dans cette tendance.
Si nous devons retenir une composante commune dans les programmes actuels, c’est bien la flexibilité. La question suivante se pose : comment composer une façade si le programme qui se déroule à l’intérieur est susceptible d’évoluer ? La réponse d’une enveloppe uniforme devient alors judicieuse. Le bâtiment devient symbole, peut importe les activités qui s’y déroulent, et c’est par la surface qu’il trouve son identité.
Si nous ajoutons les problématiques environnementales actuelles, la notion d’enveloppe trouve une seconde justification. En effet, de nombreux projets utilisent une double peau ventilée naturellement qui, même si son rôle énergétique est justifié, devient un habillage du bâtiment.
Vous comprendrez alors que nous nous sommes éloignés de l’ornement. Auparavant localisé et sculpté, l’ornement du XXIe siècle est un motif répété à l’infini qui donne une uniformité au bâti, mais dont le rôle est fondamental (structure, isolation). De plus, le traitement de l’enveloppe, que ce soit les matériaux ou les textures, a pour objectif de créer une émotion, un ressenti, une volonté qui n’est pas sans rappeler les théories postmodernes.
Une perte du sens de l’ornement ?
Alors que l’histoire de l’architecture fait souvent correspondre ornement et symbolique, nous voici une nouvelle fois devant la négation du terme « retour à l’ornement ». En effet, l’architecture contemporaine n’associe pas l’esthétique de la surface et le contenu symbolique. C’est en fait pour cette raison que j’écris cet article… Dès le début du second catalogue de l’exposition « Vers de nouveaux logements sociaux » (que j’ai feuilleté récemment), la nouvelle richesse de matériaux et de couleurs en façade est associée à ce renouveau. Or il est difficile de donner une symbolique particulière à du logement. Les projets de SANAA, Toyo Ito ou Koolhaas dont je parlais au début ont des programmes exceptionnels, et méritent à ce titre d’être questionnés sur la place de la symbolique.
Mais il est évident qu’aujourd’hui esthétique et symbole sont séparés. Nous devrions plutôt parler des émotions que peuvent susciter de tels travaux. Nous pouvons en effet voir dans cette importance donnée au dessin de la façade la volonté de retourner à une certaine complexité. Les modernes avaient peut-être introduit une trop grande simplicité dans leurs projets. Le vocabulaire formel issu des processus de conception numérique venait clairement en rupture avec cette période, et le traitement de la façade dont nous parlons ne fait pas exception. A ce titre, je reviendrai donc sur ma négation du terme « retour de l’ornement », puisque si nous nous attachons à sa définition, son objectif est d’embellir l’ouvrage.
Références
Antoine Picon, Culture numérique et architecture, une introduction, Birkhäuser, 15 avril 2010
Vers de nouveaux logements sociaux, Tome 2, catalogue d’exposition, SilvanaEditoriale, 7 mars 2012

Related Articles

3 comments

Guillaume Meunier 31 mai 2012 - 13 h 44 min

Bonjour,
Je trouve votre article très bien mais il manque une référence de choix : le magazine S AM No.5 Ornament neu aufgelegt / Re-Sampling Ornament issue d’une exposition de 2008.
comme l’écrit Niklas Maak dedans : « the new opulence is to the anaemic minimalism of the ’90s as the loud, all-plagiarising pop of the ’60s was to the rigid modernism of the postwar years » et je pousserai ce point là en disant que l’on commence à sentir une tendance à revenir au cycle précédent (je pense à des projets comme the Electricity Substation à London qui par certain aspect est un parfait mixe des 2 oppositions). Ainsi, certains architectes/MO en ont marre de cette tendance aux bijoux architecturales et à la sculpture. Si la sensualité d’un bâtiment est maintenant parfaitement acceptée en tant que tel, on voit pas mal de personne chercher à s’en éloigner.
Je pense aussi qu’il est important d’aborder l’aspect technique qui a permis ce renouveau avec par exemple des nouveaux matériaux comme les bétons THP ou le Ductal qui ont permis une libération formelle et esthétique.
Pour en revenir à votre texte, je voudrais emmètre des réserves sur 2 points :
– La justification des qualités de l’enveloppe me paraît prendre le problème à l’envers. Ces qualités viennent plutôt d’une justification a posteriori d’une volonté architecturale réelle qui réside plus dans la démonstration le démarquage et le travail.
– Vous dites que l’esthétique et symbole sont séparés mais on voit beaucoup de projet ou cela n’est pas vrai comme Manuelle Gautrand l’a fait pour Citroen ou aussi parfois, à l’inverse, le projet devient une icône, un symbole.
On peut dire que l’ornement n’existe plus finalement, il a été définitivement remplacé par la décoration, la façade, elle, reprend une place plus juste, entre l’enveloppe la structure et l’ornement.

Reply
Benoit 4 juin 2012 - 14 h 25 min

Merci Guillaume pour cette réponse très pertinente.
Je ne connaissais pas le numéro du magazine dont vous parlez, mais il paraît évident que c’est une source à lire !
Quitter le bijou architectural comme vous le dîtes est à l’oeuvre en ce moment, vous avez raison. Peut-être que les architectes manifestent par cette pratique un certain « ras-le-bol » d’un travail de l’enveloppe sans réelle justification (en termes d’usages notamment).
C’est vrai que je n’ai pas abordé l’aspect technique lié à la réalisation. C’est pourtant évident que les nouveaux bétons comme le Ductal permettent de véritables prouesses sculpturales.
Mon point de vue concernant les qualités de l’enveloppe était tranché, et le vôtre aussi. Je n’ai pas travaillé sur de tels projets, et je ne pourrai donc pas partager une telle expérience. Peut-être que la réalité des choses se trouve dans un entre-deux, dans un aller-retour entre techniciens (structure, thermique) et architectes. Ce serait une belle preuve de collaboration.
Pour ce qui est de la place du symbole, vous avez raison de dire que beaucoup de projets ne le sépare pas de l’esthétique. Le projet de Manuelle Gautrand est un bel exemple mais reste le fruit d’une demande particulière. Les grands projets doivent jouer avec cette symbolique, pour devenir des icônes comme vous le dites. Cependant, il ne faudrait pas que la ville devienne une juxtaposition d’éléments forts. Il faut parfois savoir s’effacer un peu…

Reply
[pop-up] urbain » Verticalités #4 – Les façades, difficiles équilibres 3 septembre 2012 - 11 h 32 min

[…] a-t-il pas un compromis à trouver entre respect des façades et colonialisme publicitaire ? (le croisement des deux […]

Reply

Répondre à [pop-up] urbain » Verticalités #4 – Les façades, difficiles équilibres Cancel Reply