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Voici un post pour essayer de retranscrire l’expérience que nous avons vécue sur le chantier lors des opérations de pose et de montage de la passerelle de La Roche sur Yon au-dessus des voies de chemin de fer, pendant deux nuits et deux jours, dont nous avions déjà dit ici. Cette opération venait finaliser un projet dont la conception architecturale (groupement Hugh Dutton Associés – Bernard Tschumi urbanistes Architectes), les études d’ingénierie (HDA) et la fabrication (Renaudat Centre Constructions) se sont déroulées sur plus de deux ans à partir de la phase de consultation des entreprises. Quelques travaux secondaires liés à l’habillage de la passerelle ou aux reprises éventuelles, ainsi que des épreuves de charge validant les calculs sur le comportement global de l’ouvrage restent encore à faire.
De par sa conception, l’ouvrage possède un comportement très particulier. En effet, la forme finale de la passerelle ainsi que le choix des sections de la résille sont issus d’un processus itératif d’optimisation globale sur l’ouvrage sollicité dans sa position finale. C’est pour cette raison que, comme nous l’avons expliqué dans un précédent post, la conception de l’ouvrage est le reflet direct de son comportement. Par le processus d’optimisation, la variation de l’espacement des cerces sur la longueur a été définie au moyen d’une fonction inverse liée au calcul de l’effort de cisaillement que subirait une poutre continue sur 3 appuis sous l’effet de son poids propre. Le choix des sections a été quant à lui défini à partir des variations du moment fléchissant sur la longueur de cette même poutre : sur le tube de la passerelle, les zones subissant des efforts de traction sont constituées de ronds pleins ; les zones comprimées sont composées de profils en T ou en H. Selon l’intensité de l’effort, l’aire de la section varie.
Détermination de l’espacement des diaphragmes selon la variation de l’effort tranchant
Partie du modèle de calcul montrant la variation des profilés utilisés (logiciel Straus 7)
Pour des problèmes de fabrication, de transport et de pose la passerelle a été réalisée en 5 tronçons. Pour la pose et le montage final sur site, 3 tronçons ont été assemblés par boulonnage d’un côté des voies de chemin de fer, les 2 autres ont été assemblés de la même manière de l’autre côté. Ce découpage de l’ouvrage a nécessité des études très importantes sur les phases provisoires (tronçon seul sur 2 appuis, tronçons pré-assemblés, levage des tronçons avec la grue…) car chacune des phases correspond à un schéma statique de l’ouvrage différent, avec une répartition des efforts internes variant. Comme l’ouvrage a été optimisé à partir d’un schéma statique basé sur le comportement final de l’ouvrage (tube continu sur ses 3 appuis), les phases provisoires ont représentées des situations à risque important. En effet, des barres internes, initialement dimensionnées pour reprendre des efforts de traction (ronds pleins de 20 mm ou 40mm) se sont retrouvées parfois fortement comprimées dans les phases provisoires de pose et de levage. Ceci pouvait donc amener ces éléments, présentant un très fort élancement vis-à-vis du flambement (>300 sur certains éléments), à des situations de déformations irréversibles par plastification de certaines barres.
Ainsi, à partir des études précises de chacune des phases intermédiaires, différents systèmes de renforcement provisoires ont été placés sur la passerelle (butons pour empêcher le rapprochement excessif de certaines cerces, cavaliers constitués de profils en tube carrés pour couper les longueurs de flambement, liaisons de certaines croix). Ces éléments temporaires ont pu être retirés à la fin de la pose complète de l’ouvrage.
C’est donc avec une très grande attention que s’est déroulée la manipulation des tronçons lors du levage. Pour ne pas couper les voies du train et ne pas altérer le trafic, ces opérations ont du être programmées de nuit (nuits du 30/11 au 1/12 et du 1/12 au 2/12). La nuit du 2/12 au 3/12 a été prévue comme sécurité si des imprévus se produisaient.
Lors de la première nuit, le planning prévoyait de poser les tronçons 123 pré-assemblés sur les poteaux d’une des extrémités, ainsi que sur les poteaux de l’appui intermédiaire. Dans un premier temps, les tronçons 123, trop éloignés de la grue de principale de 800T, ont été rapprochés de celle-ci. Une seconde grue de capacité plus faible a été associée à la première pour ce « saut de puce ». Les poteaux de l’extrémité de la passerelle ont ensuite été assemblés au sol sur le tronçon 1 avec leurs axes d’articulation. Après un essai de levage, les déformations des tronçons 123 sous leur poids propre ont été mesurées pour vérifier la conformité des calculs. Ce point d’arrêt a pu être levé par le responsable des travaux dont la signature conditionnait la suite des opérations. La grue principale seule a alors déposé ce gros colis de 107T dans sa position finale, à 6 m de hauteur sur ses 2 paires de poteaux. Les poteaux du bout de la passerelle ont été fixés dans un premier temps au niveau des chapes métalliques en attente sur les fondations, puis leur croix de contreventement latéral ont été assemblées. Les poteaux ont ensuite, de la même manière, été fixés au niveau de l’appui central. Un contreventement longitudinal provisoire a été placé entre les poteaux, assurant ainsi une stabilité de l’ensemble déjà posé. Enfin, pour clore cette première nuit, l’escalier oblique de l’extrémité au niveau du tronçon 1 a été placé et fixé au sol et à l’ouvrage en partie haute.
La journée qui a suivi a été principalement consacrée à la préparation de la grue principale pour les opérations du soir. Son démontage et remontage de l’autre côté des voies ont donc été réalisés. La journée a également été consacrée à la préparation des différentes parties devant être posées durant la nuit suivante.
Lors de la seconde nuit, l’entreprise de montage a réalisé l’aboutage des tronçons 45 d’un poids de 62T sur les tronçons 123 par boulonnage des cerces de jonction. Ces tronçons 45 ont été ensuite assemblés sur les poteaux de l’autre extrémité de la passerelle. Au préalable, un essai de levage a permis de valider les prédictions faites par les calculs et comme la nuit précédente, le responsable des travaux a signé les fiches de contrôle autorisant la suite du montage. Le planning prévoyait la pose des 2 autres escaliers, mais les quelques retards accumulés au fur et à mesure n’ont pas permis ces deux opérations.
Le lendemain et la nuit suivante l’escalier intermédiaire (sur le quai central) ainsi que l’escalier côté gare ont été installés. Ce dernier, articulé et non glissant en pied, a été conçu pour assurer la stabilité longitudinale de l’ensemble de l’ouvrage. Les contreventements provisoires ont pu être enlevés à la suite de ces opérations.
Dans les jours qui viennent, des épreuves sous charges statiques vont être réalisées afin de valider définitivement les calculs de prédiction du comportement de l’ouvrage. Cette procédure est nécessaire pour délivrer l’autorisation d’ouverture de la passerelle au public. L’ouvrage, en accord avec la norme française, sera chargé sur la totalité et alternativement sur chacune de ses travées au moyen de containers en plastique remplis d’eau, afin d’obtenir une charge répartie sur le plancher de 350 kg/m² (représentant l’effet d’une foule importante). Notons que l’ouvrage a été dimensionné à partir d’une charge statique de 500 kg/m² (foule très dense). Après les épreuves statiques, des essais permettant des mesures dynamiques des vibrations de l’ouvrage sollicité par l’effet de la marche d’un piéton seront effectuées.
La réception et l’ouverture de la passerelle au public se dérouleront fin janvier, début février.
La nouvelle passerelle de La Roche sur Yon finalisée
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4 comments
On ne sait toujours pas combien elle pèse au mètre linéaire cette passerelle.
Comme j’ai répondu sur l’autre post à propos de la passerelle, le poids du tube est de 169T (béton et habillage compris) et de 130T (acier seul), sa longueur est de 2x35m. Doc le poids linéaire est de :
– Ptubetot=169/70 = 2.4T/m.
– Ptubeacier=130/70 = 1.9T/m.
Les images montrent un ouvrage dense et lourd. En effet, plus de 500 kg d’acier par mètre carré de tablier c’est du jamais vu pour cette gamme de portée ! Ces valeurs anormales ne sont ainsi pas écologiques du tout, d’autant plus que le matériau mis en œuvre ici est l’acier, dont l’empreinte carbone est substantielle, même lorsqu’on le recycle. L’acier est un matériau trop précieux pour qu’on s’en serve à but décoratif comme on se doute bien que ce soit le cas avec votre projet et ses membrures courbes sollicitées axialement. Du coup, l’argumentaire sur l’optimisation relève de la propagande et pas du tout d’une démarche authentiquement environnementale. C’est ce qu’on appelle en anglais du « greenwashing », par analogie avec le blanchiment d’argent.
[…] *clin d’œil à la passerelle de La Roche sur Yon […]